Sujet intéressant, sur lequel il y aurait tellement à dire ;-)
C'est vrai que le manque de limites est reproché par l'enfant tout comme l'excès. Difficile d'être parent, ça c'est certain! Que les parents fassent de leur mieux est sans doute vrai la plupart du temps. Aujourd'hui que tu as conscience de tout cela, tu pourrais en parler avec ta maman, vous vous aimez du coup vous pouvez vous écouter :-)
Parfois, et c'est mon cas, il y a inversion des rôles, je suis le parent de ma mère et cela depuis mes 10 ans. Nourrir sa mère à la cuillère, faire son linge, le ménage, la border dans son lit semblent impensables et pourtant c'était comme ça dans cette maison. Je lui posais des limites (pas direct à 10 ans, ça a mis quelques années pour que j'apprenne...), je la félicitais lorsqu'elle acquérait de l'autonomie. Hier, je rentre et vois qu'elle a fait tourner une machine à laver sans même que j'ai eu à le lui rappeler, je lui dis que je suis impressionnée et mon frère se met à applaudir en disant "depuis que je suis né, c'est une des rares fois où tu as fait ton linge!" imaginez la tête des autres (extérieurs), oui ça semble invraisemblable! Depuis 5 ans, elle se réapproprie sa vie et je l'ai toujours encouragée à le faire, je lui ai appris à se servir d'un ordinateur, d'un appareil photo, à la motiver à prendre ses responsabilités, ça fonctionne, lentement mais sûrement. Pour autant, je n'aime pas cette personne, quel enfant le pourrait? A côté de son inertie, il y a eu énormément de sévices moraux et physiques que j'ai gérés tant bien que mal. L'affection ne peut plus exister dans des relations pareilles, j'ai juste agis comme je pensais qu'il était bon de faire. Elle n'était pas handicapée physique, elle était "juste" alcoolique et en dépression profonde pendant 13 ans. Personne ne peut imaginer ce que c'est... Elle voulait mourir mais pas tant que ses enfants étaient là alors elle a tenté de les emmener dans son suicide. Je me souviens de sa maigreur, c'était un cadavre qui se mouvait pour son unique refuge : l'alcool. Elle se nourrissait d'ailleurs pratiquement que d'alcool... Le soir, avec un de mes frères nous lui apportions son vin chaud, nous n'aimions pas faire cela mais il le fallait.
Des reproches je pourrais en avoir mille. Et pour autant, je ne lui en fais pas car ça ne servirait à rien. Aujourd'hui, elle est capable de dire qu'elle a été défaillante mais elle ne se rappelle pas du passé et tant mieux au fond car ça ne ferait que la replonger dans une autre souffrance, le mal a été fait, il est irréversible. C'est elle qui n'arrêtait pas de me faire des reproches (plus aujourd'hui) : "tu es une fille ingrate", "Comment peux-tu sourire alors que moi je vais si mal?!" c'était ce genre de phrases qu'elle aimait dire.
Je n'ai eu aucune limite, et cela ne m'a jamais posé problème. En somme, je n'ai reçu aucune éducation, j'ai tout construit par moi-même, la seule chose qui fut réellement dure c'était de n'avoir personne qui me soutenait, de ne pas avoir pu vivre une enfance plus ou moins normale dans l'insouciance, l'innocence, l'illusion d'imaginer de belles choses. Puis les séquelles des sévices moraux et physiques, que je le veuille ou non ça a façonné ce que je suis : une étrangère. Ma belle-soeur me disait hier "Est-ce que tu te rends comptes que tu n'existes pas pour toi?!?" Elle me dit que tout ce que je fais, je ne le fais pas pour moi mais pour les autres, le bien de la Terre, pour la maison. Pour autant, je me suis obstinée à la convaincre du contraire. Ce que je regrette c'est de ne plus trop savoir comment on exprime ses propres émotions.
Pourrie gâtée, je ne l'ai jamais été et j'en suis bien heureuse, j'aime me satisfaire de peu, de ne pas être motivée par la possession de choses, ni même d'être difficile en ce qui concerne la nourriture (j'ai appris à me contenter de peu, je ne supporte pas de gaspiller et de manger plus que ce que le corps en a besoin; le point positif? je n'ai jamais été grosse!), de ne pas lâcher l'affaire quand je dois accomplir quelque chose de difficile. Il y a de grandes forces en moi et je ne le dois qu'à moi-même. La richesse ne se matérialise pas.
Donc, c'était juste un message pour dire que même sans éducation, un enfant peut garder les pieds sur terre. J'ose espérer que tous les enfants abandonnés par leurs parents ne finissent pas mal...