Manipulation, voici un mot que j'ai souvent entendu ces dernières années. On m'en a accusé, j'ai accusé d'autres, on m'a dit que j'étais manipulée, on m'a dit que je manipulais sans savoir la moindre chose sur moi et ça m'a amené à réfléchir sur ce sujet. De quoi parle-t-on? Manipuler... Alors j'ai cherché : "La manipulation, au sens abstrait, désigne l'emprise exercée par une personne sur une ou plusieurs autres dans le but de contrôler leurs actions ou leurs sentiments."
Je lis cette phrase et je me rappelle de l'avoir fait, il n'y a pas si longtemps... J'ai manipulé un psychiatre pour ne pas qu'il m'hospitalise, je l'ai regardé dans les yeux et lui ai dit exactement ce que je savais qu'il fallait dire pour ne pas être internée. Une deuxième fois, pendant mon hospitalisation j'ai sciemment menti pour qu'on me redonne ma liberté comme prévu quand on a voulu me "passer en hospitalisation d'office" malgré mon contrat avec mon psy. Deux fois, je l'ai fait, oui, alors pourquoi ça me touche tellement quand c'est contre moi que c'est dirigé? C'est comme si j'avais une idée de la bonne et la mauvaise manipulation. Je n'ai manipulé les gens que dans un seul but, toujours le même : ma liberté. C'est la seule excuse que je me laisse pour manipuler les gens, que ça ne fasse de mal à personne et que cela me permette de garder ma liberté, même s'il faut mentir pour cela. Alors j'ai dit "oui, je pense que l'hospitalisation a été très bénéfique" ou j'ai dit : "j'ai peur que si vous m'hospitalisez à nouveau (blabla, je ne vais pas donner de conseils aux gens, mais j'avais une phrase toute préparée pour ne pas qu'on m'enferme de nouveau et qui n'incluait absolument pas de menaces)". Et j'ai regardé les gens très sérieusement dans les yeux, je les ai regardé et je leur ai dit ça sans froncer les sourcils alors que je savais pertinemment que ce n'était pas vrai... comme si être poussée à bout, être poussée à la limite de mes droits, des droits internationaux, des droits de l'Homme, des droits à la liberté, je me laissais perdre toute mes bonnes manières, toute mon éducation passe à la poubelle, tout ce que je pense très sérieusement s'évade. Est-ce une excuse? Non... mais j'y pense... des fois je me demande pourquoi je me sens si mal quand je vois à quel point j'ai menti. A quel point je suis capable de mentir. Pourtant je ne le fais habituellement jamais. Je ne l'avais jamais fait avant, je ne mens pas, je n'ai aucune raison de mentir habituellement, j'essaie de prendre sur moi, mais je me sens tiraillée, mal dans mon corps. Pourquoi ai-je cette morale qui m'empêche de me sentir bien lorsque je sais que je n'ai pas dit toute la vérité, je ne l'ai fait que deux fois, dans une vie ça peut parraitre peu, mais ça me fait mal de me voir comme ça.
J'ai d'abord essayé de dire la vérité pourtant, en hospitalisation, j'ai essayé de leur dire la vérité, de leur dire que je voulais sortir car on m'avait promis lors de l'entrée à l'hôpital que je ne resterais que 3 jours et que c'était uniquement à cette condition que j'avais accepté de m'y rendre. Je leur ai dit que je pensais que le gros de la crise était passé et que je me sentais tout à fait prête à sortir de ce lieu où je me sentais si mal, si horriblement délégitimée, enfermée, surveillée. Et on m'a répondu "je ne vous crois pas". Mais là c'était la vérité, la simple vérité, et alors, comme la vérité ne suffisait pas, j'ai menti. J'ai l'impression d'essayer de me donner des excuses... je ne sais pas pourquoi je fais ça. Mentir c'est mentir, manipuler c'est manipuler, rien ne changera à cela. Je hais le faire et pourtant je l'ai fait et je hais avoir été poussée jusque là, je hais avoir du être poussée au bout et n'avoir pas pu trouver d'autres solution que celle-ci pour me sortir de la situation dans laquelle j'étais.
J'ai menti une troisième fois, à mon ex, parce que j'avais peur que s'il apprenait que c'était moi qui avait dit à son officielle qu'il l'avait trompé... qu'il me tue, comme il avait dit qu'il le ferait... comme il avait promis qu'il le ferait. Mais ça, je ne me sens pas mal par rapport à ça. Je me sens mal parce que j'essaie vraiment d'être honnête et je me fais pousser sans arrêt au bout de mes limites. Et, en fait, c'est ça que je hais chez moi. Je ne suis ni une menteuse ni une manipulatrice, par contre, oui, j'ai des limites. Quand on me viole, qu'on me menace de mort, qu'on me ment, qu'on me prive de ma liberté, qu'on ne me croit pas, qu'on ne me considère plus comme un être humain, qu'on m'insulte... je prends sur moi, j'ai pris sur moi longtemps et vraiment très longtemps je n'ai rien dit, j'ai attendu que cela passe, je me la suis bouclée, j'ai pleuré seule dans ma chambre... et tout d'un coup, j'ai atteint mes limites et à ce moment là je n'avais plus rien à donner, même plus de la sincérité, plus rien.
Aujourd'hui, quand je sais être manipulée je réagis avec beaucoup de calme, je laisse les gens penser que je n'ai rien compris à leur jeu et je garde toujours cette immense distance avec leurs paroles ou leurs actions. Mais j'ai peur qu'un jour je ne puisse plus agir avec autant de sagesse et que j'envoie tout le monde promener, parce que cela me renvoie une image de moi si inadéquate, je me sens inappropriée sur cette terre, comme si je n'étais pas faite pour être là et que je devrais aller vivre dans un monde de bisnounours. C'est pathétique.

voilà une réflexion et un sujet fort intéressant. Tu dis que tu as toi aussi parfois été "obligé" de manipuler tes proches, ton psy, ton ex mais pour moi, il y a une très grande différence entre ce que tu as fait et ce que tes bourreaux ont fait pour obtenir ce qu'il voulait. Toi tu ne voulais pas faire du mal (du moins je ne le pense) eux si et ils le savaient.

Le problème de la manipulation peut devenir inconscient, quand on commence à manipuler les autres sans même sans rendre compte, sans même le vouloir ni le faire exprès. Le problème est le risque et je dis bien le risque de manipuler quand on a été soit même manipulé. tu connais l'abuseur, abusé....mais cela ne semble pas être ton cas, preuve que tu as réussi à te sortir de ce cauchemar sans avoir ce poison là (en plus) qui envahit parfois tes veines...là je n'ai pas trop le temps mais je reviendrais plus tard à ce sujet qui m'intéresse et m'interpelle.

Ce qui m'énerve à ce sujet c'est que je m'évertue à dire que je ne comprend pas les gens qui manipulent mais quand je me penche sur mon passé et que je me souviens de cette phrase que j'ai dit à mon "ex" psy, je me dis : ouais et bien ma fille tu fais pas mieux! C'est comme si j'avais pris sur moi tellement longtemps que maintenant j'étais incapable de prendre le risque de me faire "abuser" de nouveau. Je mets des guillemets parce qu'abuser peut vouloir dire beaucoup de choses, pour moi la façon dont s'est déroulé mon suivi aux urgences était une forme d'abus. Je vois l'abus et ma morale passe aux ordures, c'est l'impression que j'ai.
J'étais avec une amie il y a quelques mois qui a été diagnostiqué borderline. On rigolait les deux chez elle, on faisait des blagues, elle était toute joyeuse puis d'un coup elle m'a dit : attend ne dis rien je vais appeler ma psy. Je me suis tue et elle a pris une voie d'enterrement, elle a appelé sa psy pour lui dire qu'elle n'allait vraiment pas bien puis elle a raccroché et s'est mise à rire... et j'étais complètement abasourdie... Je me suis tue mais en moi je me disais, mais pourquoi?! Pourquoi faire croire aux gens qu'on va mal? Quel intérêt? Sans jugement aucun, je me suis simplement demandée si elle avait besoin de cela pour se sentir exister, sentir que les gens avaient de l'attention pour elle... Je n'ai jamais fait ça, mais je me suis demandée si elle le faisait aussi avec moi, si tous ces appels au secours étaient, en quelque sorte, une manière de voir si je tenais à elle.
Quelques jours après elle m'a appelé pour me dire qu'elle s'était ouvert le bras et qu'elle avait besoins de points de sutures, c'était tôt le matin et je dormais, mais quand j'ai vu son message je n'ai pas pu m'empêcher de repenser à son coup de téléphone à sa psy et je lui ai répondu : "ok, bonne chance". Elle l'a mal pris, et j'ai essayé de lui dire qu'elle n'avait pas besoins de s'ouvrir les veines pour que je sache qu'elle souffre, que je la croyais, qu'elle n'avait pas besoins de "faire semblant" ou de me prouver quoi que ce soit, que j'étais là pour elle aussi si elle ne montrait pas de manière physique qu'elle allait mal. J'ai pensé qu'elle avait compris, mais le soir même elle m'envoie un message "j'ai pris tous mes médicaments, au revoir". Et là je me suis dit... mais m quoi... pourquoi elle me fait ça? Voilà ce que j'ai pensé... pourquoi elle a besoins de me faire ça, pourquoi elle ne me croit pas quand je lui dit que je suis là, pourquoi elle a besoin de le vérifier? Pourquoi ce que je lui ai dit ce matin n'est pas passé? Pourquoi elle a besoins de me montrer qu'elle ira toujours plus loin si je ne m'intéresse pas à ses mutilations? Cette amie était aussi anorexique... et un jour elle me dit "j'ai l'impression que tu ne vois pas que je suis maigre". Je lui ai répondu que je ne voulais pas le voir parce que je ne voulais pas la définir par sa maigreur, que ce n'était pas sa maigreur ou ses cicatrices sur les bras qui me faisait tenir à elle, mais tout le reste, tout ce qu'elle était et que je refusais de la définir comme maigre parce que c'était le travail de ses psy de s'occuper de ça, que mon travail en tant qu'amie était de l'aimer comme un tout et pas de la réduire à sa maigreur. Et elle m'avait répondu "j'ai envie d'être encore plus maigre comme ça tu le verras". Mais pourquoi? Pourquoi est-ce qu'il fallait que JE le voie?
Je lui ai dit : je te crois, même sans maigreur, même sans automutilations, je te crois quand tu me dis que tu es malheureuse, mais c'est passé dans l'oreille d'un sourd. J'aurais parlé au mur ça aurait été pareil...
Je l'ai emmené aux urgences après sa TS, j'ai appelé l'ambulance et je suis restée avec elle jusqu'à 4 heures du matin. Le lendemain j'ai parlé au psy des urgences, qui ironiquement était le même que celui qui m'avait suivi, comme quoi le hasard des fois... Je lui ai dit : "j'ai l'impression qu'elle me fait du chantage émotionnel" et il m'a répondu "c'est de votre faute, vous ne savez pas mettre de limites, la prochaine fois qu'elle vous appelle vous ne répondez pas, elle appellera sûrement les urgences elle-même". Et de nouveau j'étais abasourdie! Comment ça?! Et "non assistance à personne en danger" ça vous dit quelque chose? C'est cette personne que vous voulez que je devienne? C'est cette personne qu'il faut que je sois? Non! M quoi! Je ne veux pas être dans un monde où je dois être cette personne, c'est hors de question...
Plus tard cette amie m'a dit "oui, je sais que je te dois de l'argent, mais je dois payer une ambulance que je n'ai ni voulue, ni demandée"... Alors je peux vous dire qu'il m'a fallut des heures de méditation pour arriver à passer par dessus cette phrase, parce qu'à quelque part il n'y a plus aucune façon de faire "juste" quand c'est comme ça...