Ma maman est morte le 24 avril.
Je ne parviens pas à pleurer, enfin, j'ai sangloté deux ou trois fois mais sans pouvoir aller jusqu'au bout ...
soit parce que l'endroit ne s'y prêtait pas, soit parce que je n'étais pas seule, soit parce que "ça ne sortait pas"...
Et depuis hier, je joue à un drôle de petit jeu, qui me semble malsain.
Le jeu du "On disait que"...
"on disait qu'elle n'était pas morte"...
Je me mets à être légère et insouciante , le temps de faire semblant.
J'imagine qu'elle vit toujours, comme si j'avais réussi à trouver la manivelle à remonter le temps, à supprimer la mort...
Est-ce normal ou bien suis-je en train de basculer vers quelque chose de dangereux ?
Ca m'effraie un peu ma réaction !
Je ne veux pas perdre la tête, ni me laisser aller à la dépression...je suis épouse, mère et grand-mère, et puis j'aime la vie !
Et ma mère n'aurait pas voulu ça, de toute façon !

Mon expérience est un peu différente de la tienne car j'ai perdu ma maman alors que je n'avais que 9 ans, je n'étais encore qu'une gamine. Mais ce que je peux t'assurer c'est que je n'ai pas pleuré, pas avant au moins un an après son décès.
A l'époque je ne me suis pas posé de question sur le pourquoi de cette absence de réaction mais en grandissant je me suis demandée si j'étais normal, si j'aimais vraiment ma mère. Puis avec le temps je me suis dis que pleurer n'était pas quelque chose d'obligatoire, on fais chacun son deuil comme on peut. Il y a aussi je pense le fait que l'on se sente responsable des personnes qui reste avec nous (en l'occurrence moi il s'agissait de mon père et mon frère, toi comme tu l'as dis tu es épouse, mère et grand-mère) et pour elles on veut être forte, on veut les soutenir ou ne pas leur montrer notre désespoir.
Prends le temps d'accuser le coup et ne te force pas à avoir des réactions "normales", celles que l'on aurait pensé avoir. Si les choses ne s'arrangent pas, parles-en, que ce soit à un proche ou à un médecin.
J'espère t'avoir un peu aidé

Merci Justinette, c'est sympa de m'avoir répondu.
Pour le moment, je me sens comme dans un nuage, comme si je flottais dans quelque chose d'irréel...

De rien
En ce qui concerne le déni, même si je n'y connais pas grand chose, je suppose que ça n'en est pas un puisque tu t'en rends compte (tu vois ce que je veux dire ?)
Je dirais que cette façon d'être ailleurs, de jouer à ce petit jeu de "si on disait que ..." c'est un moyen de te protéger en somme. Tu te protèges inconsciemment de la douleur trop forte qui t'attendrais si ces barrières se levaient. Enfin c'est une supposition ...

Tu as peut-être raison, c'est vrai que j'ai conscience de "jouer" un jeu, de me mentir...
Et que j'ai sans doute peur de me laisser aller, peur de jusque où ça pourrait m'entrainer...

L'absente.
Vous pouvez verser des larmes parce qu’elle est partie, ou
Vous pouvez sourire parce qu’elle a vécu
Vous pouvez fermer les yeux et prier pour qu’elle revienne, ou
Vous pouvez ouvrir les yeux et voir ce qu’elle a laissé.
Votre cœur peut être vide parce que vous ne pouvez la voir, ou
Il peut être plein de l’amour que vous avez partagé.
Vous pouvez tourner le dos à demain et vivre hier, ou
Vous pouvez être heureux demain parce qu’il y a eu hier.
Vous pouvez vous souvenir d’elle et ne penser qu’à son départ, ou
Vous pouvez chérir ce souvenir et le laisser vivre.
Vous pouvez pleurer et vous fermer, ignorer et tourner le dos, ou
Vous pouvez faire ce qu’elle aurait voulu:
Sourire, ouvrir les yeux, aimer et continuer.

D’après « The Poem », Eileen Cicoli

Je me rappelle très bien comment j'ai vécu le deuil de mon père lorsque j'avais sept ans.

J'étais déjà très mature pour mon âge. Je savais très bien qu'il n'était pas parti en voyage, qu'il n'allait plus jamais m'appeler les samedi soirs pour me demander : "Alors, comment s'est passée ta semaine à l'école ?" Non, je n'ai pas entretenu d'illusion de la sorte. Je savais.

J'ai été quelques semaines sans même verser une larme. J'étais une enfant très sensible, mais aussi incroyablement rationnelle. Pleurer, ça aurait fait de la peine à tout le monde. Je n'en ressentais pas le besoin.

Donc ma mère a demandé à la psy de l'école de "m'ausculter"... Et elle a conclu que j'étais effectivement dans une étape du deuil, pas dans le déni, mais proche de la colère. Une colère passive, car je n'exprimais aucune frustration. Mais je me disais dans ma tête d'enfant que ça ne valait pas la peine de me morfondre pour ça.

Bien des semaines plus tard, voire des mois, j'étais en train de faire quelque chose dans ma chambre... je ne sais plus quoi. Puis, toute la peine m'a enfin envahie. D'un coup, comme ça, pif paf. J'ai essuyé mes premières larmes et j'ai regardé mes doigts mouillés avec incrédulité. Et là, enfin, j'ai pleuré. J'étais à l'étape de la tristesse. Étape qui a duré jusqu'à mes 13 ans, car le sujet était sensible à chaque fois qu'on l'abordait.

Maintenant, je l'accepte tout à fait. Mais parfois, je trouve la vie bien dure sans un père.

Bref, Claireau, je pense que vous êtes encore dans le déni de cette mort. Donnez-vous le temps d'attendre la venue de la tristesse... car elle viendra, tôt ou tard.

Merci, Puce Solitaire, ce que tu m'as écrit m'a touchée.
J'aimerais tant pleurer, me laisser aller, hurler, mais la boule reste coincée dans ma gorge, pas moyen de la faire sortir.
Je suis épuisée, et mon boulot ne m'aide pas à me "retrouver".
C'est un travail très éprouvant nerveusement, où tout s'agite à longueur de journée, bruyant, où tu subis énormément de tensions ...
Cet après-midi, j'ai réalisé que ce n'était plus possible de continuer ainsi, je suis allée trouver la directrice et lui ai dit que je n'en pouvais plus.
Puis, je suis allée voir mon toubib et lui ai dit que je craquais, qu'il m'était impossible d'assumer mon travail pour le moment.
Ouf, il m'a mise en congé de maladie jusqu'au 28 !
Celà fait 2 ans que j'encaisse coup dur sur coup dur, des choses insupportables, une dizaine de "merdes" en 2 ans, trop c'est trop !
C'est peut-être d'ailleurs pour cela que je ne parviens pas à pleurer la mort de ma mère, je suis peut-être "rôdée" au malheur ?
My Illusion m'avait dit une phrase terrible de bon sens : "Avoir le courage de changer ce qui peut l'être, l'humilité de reconnaitre ce qui ne peut l'être, et la sagesse de faire la distinction".
Je ne peux rendre la vie aux personnes de mon entourage qui sont mortes ces derniers mois, je ne peux rendre à la raison les personnes qui se déchirent autour de moi, je ne peux pas transformer la méchancété de certains d' un coup de baguette magique et je ne peux malheureusement pas guérir le gène malade de ma petite-fille...
La seule possibilité qu'il me reste, c'est de me permettre de reprendre des forces, ce qu'il m'est impossible de faire en continuant mon boulot pour l'instant.
Et heureusement, mon médecin est assez futé que pour l'avoir compris..

Coucou claireau,

Je ne connais pas à fond le processus de deuil mais il me semble qu'il se fait par stades et au début, on ne veut pas accepter la mort de l'être cher d'où probablement ce "jeu" à faire comme si elle était toujours en vie, je crois que c'est normal puisque c'est très récent.

J'ignore si l'on se remet totalement d'un deuil? Il reste une empreinte affective qui peut se transformer en une force et ça c'est très positif.

Je me sens également en deuil depuis toute petite, même 17 ans plus tard, je continue à faire vivre une présence qui tantôt m'est une force, tantôt m'entraîne dans les abîmes, je présume que cela est normal... ? C'est assez difficile certains jours mais il est vrai qu'on ne peut pas remonter le temps.

Les pleurs viendront plus tard, en tous cas je l'espère.

Merci pour ton message, My illusion ! Je ne sais pas non plus, j'ai vécu des deuils, mais jamais aussi proches, jamais d'une personne qui avait eu autant d'importance dans ma vie.
J'ai eu quelques crises de larmes, de sanglots, mais pas encore assez, je le sens bien.
C'est étrange, je continue à vivre, parfois comme s'il ne s'était rien passé.
Et puis, une belle musique qui passe à la radio, un beau rayon de lumière, un truc à lui dire au téléphone alors que c'est impossible et bardaf! ça monte dans ma gorge...
Et puis ces regrets, je suis tombée sur des choses que j'avais écrite à son propos, pas très gentilles, pas très patientes....
Mon père est en Belgique pour quelques jours, je le gâte, que ça me serve de leçon ! A quoi bon être impatiente, intransigeante, exigeante, alors que tes vieux parents vivent leurs derniers instants ?
La vieillesse et la maladie peuvent rendre une personne agaçante, mais il me semble qu'on doit faire plus preuve de douceur, de patience...comme avec un petit enfant fragile, non ?