Bonjour à tous. J'ai une question épineuse à vous soumettre. J'aimerais que les personnes dépressives qui liront ce message ne se sentent pas lésées. Je vous fait part de mes interrogations en toute naïveté.
Ceux et celles qui ont lu mes posts savent que je proviens d'une famille de classe très modeste, dysfonctionnelle à plusieurs égards. En résumé, ma mère a eu trois enfants de trois pères différents. Je suis l'aînée, vient ensuite un adolescent de 16 ans (nommons le M.) et un autre de 13 ans (lui sera D.). Mon père est décédé, mais les deux autres pères sont vivants.
Pendant des années, ma mère a été en dépression suite à une bipolarité mal soignée. Parallèlement, mon demi-frère M. luttait pour sa vie contre une maladie qui lui a fait passer plusieurs séjours à l'hôpital. Ce n'était pas facile à gérer. Ma mère étant instable, elle avait plusieurs hommes dans sa vie et peu ont pu faire office de figure parentale pendant l'absence de ma mère. Donc, à 13 ans, je m'occupais du petit D., en bonne santé et donc délaissé. Son père est un travailleur acharné qui le voyait, à ce moment-là, qu'aux deux-trois semaines.
Un jour, M. s'est mis à aller mieux, ma mère s'est soignée. Il a fallu recoller les morceaux de cette étape difficile. Entre autres, mon frère D. ne reconnaissait plus ma mère. Toute l'affection maternelle, il l'avait rejetée sur moi. C'était compréhensible : j'assistais à toutes ses réunions scolaires, je le bordais le soir, je surveillais ses devoirs, je cuisinais et lui préparais les lunchs. Malgré tous mes soins, je n'ai cependant jamais pu substituer le rôle de mère, bien entendu. D. est devenu un enfant très fragile, sensible, mal dans sa peau. À 10 ans, il avait tous les symptômes d'une personne en dépression, et disait même souvent : "Je veux mourir." Encore de nos jours, il garde des séquelles de cette période où il fut si mal entouré.
À 18 ans, j'ai quitté le nid familial avec un copain, car j'étais rendue trop épuisée. Après avoir passé toute mon adolescence à penser aux autres, et voyant que ma mère ne considérerait jamais mon avis malgré tout ce que j'avais pu faire pour elle, le choix s'est imposé de lui-même. Quelle déchirure que ce fut avec D. !
Voilà pour la mise en situation. Maintenant, l'atmosphère est plus paisible chez ma mère, surtout depuis que M. travaille pour aider à payer les comptes. Ils ont toutefois quelques soucis d'argent. Elle a un copain on-off avec qui elle se dispute souvent, car il est très possessif.
Récemment, un des ex à ma mère, le père de M., a appelé pour lui proposer quelque chose. Cet homme habite très loin de la ville. Récemment, son frère cadet, l'oncle de M. donc, a fait une dépression majeure. Sans connaître les détails, je me doute bien qu'il a attenté à sa vie. Depuis cet évènement, sa famille l'entoure du mieux qu'elle peut, mais avec un succès mitigé. Il a besoin de ressources psychiatres qui ne se trouvent malheureusement qu'en ville : là où habite ma mère.
Ce père a proposé de payer le loyer de ma mère pour le mois d'août prochain. Mais en contrepartie, lui et son frère dépressif viendront vivre à la maison pendant un mois complet. Le hic est que l'appartement est extrêmement petit : ma mère ne pourra pas habiter dans le logement pendant ce mois-là. Il lui faudra aller vivre chez son copain.
Vous comprenez que quand il est question d'argent, le jugement se brouille.
D'une part, ma mère ne souffre pas son copain. Ils se disputent souvent et ne pourront pas vivre un mois ensemble, j'en suis persuadée.
Mais là où mon inquiétude nait, c'est à propos de D. À 13 ans, en pleine crise d'adolescence, il a besoin d'une figure parentale à la maison. (Je comprends bien cela, j'ai vécu moi-même pareille situation au même âge.) Celui de 16 ans se débrouille de plus en plus et gagne son autonomie, sans compter que ces "étrangers" sont nul autre que son père et son oncle : pas de soucis pour lui.
J'ai peur que le contact avec ce dépressif majeur et mon petit demi-frère ne fasse que réveiller des choses endormies en lui. D. est comme une éponge, sans parler de son propre passé.
Sans vouloir généraliser aussi la dépression, j'ai des doutes aussi sur le suicide. Et si l'oncle tentait quelque chose ? À quel point cela affecterait-il mes deux jeunes demi-frères ?
J'ai fait part de tout cela à ma mère. Elle m'a regardée avec amusement. Pour elle, pour promesse d'argent, elle est prête à partir un mois entier et courir le risque d'affecter ses deux adolescents. Elle a simplement dit que sa décision "n'est pas coulée dans le béton".
Je vous demande : que faire ? Devrais-je débarquer à l'appartement à chaque jour pour aller surveiller (sachant que j'habite à quinze kilomètres, donc une heure d'autobus juste l'aller) ? Leur téléphoner ? Ou tout simplement faire confiance, malgré ce passé commun épineux et la sensibilité de mon demi-frère ?
Merci d'avance.